A46 – Chaque mètre carré artificialisé compte

Publié par Laurent Legendre le

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Monsieur le Vice-Président, chers collègues,

Deux éléments nous paraissent déterminants pour nous opposer à l’élargissement de l’A46 et à la modification du nœud de Manissieux :

  • D’abord, l’inadéquation avec un objectif de diminution des gaz à effets de serres à l’horizon 2050
  • Ensuite, la gestion privée à but lucratif par VINCI AUTOROUTE d’un patrimoine routier d’intérêt général

Sur le premier élément, on ne peut que constater les injonctions contradictoires d’un État signataire des Accords de Paris pour le Climat visant à réduire drastiquement notre consommation d’énergie fossiles d’ici 2050 et le même État qui continue de déployer de grandes infrastructures routières et autoroutières.

Apparemment les élus locaux que nous sommes et bons nombres de citoyens n’ont pas la même lecture que le gouvernement sur le dernier rapport du GIEC. Chaque dixième de degré au niveau global et chaque mètre carré de terres artificialisées au niveau local feront la différence entre un monde invivable, un monde INVIVABLE, et un monde où l’entraide et la solidarité seront encore possibles. Depuis longtemps, nous avons choisi : partout où cela est possible, nous devons d’abord orienter la société vers la sobriété et la baisse de consommation d’énergies fossiles.

Sur les transports en particulier, il établit désormais de longue date que les augmentations de capacités routières génèrent de nouvelles facilités qui contribuent à augmenter l’usage de la route, au détriment des autres modes de déplacements. Or, dans le cadre du présent projet, le dossier de concertation laisse croire que l’élargissement de l’autoroute va contribuer à une baisse des émissions de gaz à effet de serre. Cette anticipation est particulièrement contestable. Sur un territoire de ce type, la capacité routière nouvelle induira très rapidement de nouveaux flux.

Des solutions sont possibles en travaillant d’abord sur les flux de poids lourds en transit représentant de l’ordre de 10 000 véh/j et dont les marchandises pourraient plutôt transiter sur les rails ou sur les fleuves. Et sur le ferroutage, nul besoin de s’en remettre à la réalisation du Lyon-Turin, puisque la ligne existante n’est utilisée qu’à 20% de sa capacité et pourrait dès aujourd’hui recevoir des milliers d’équivalents camions tous les jours. Sur ce sujet comme sur d’autres, c’est avant tout de volonté politique dont nous manquons, bien plus que de moyens financiers et de progrès techniques.

Sur le second élément, il nous a paru intéressant d’éplucher le compte de résultat de VINCI AUTOROUTE de l’année 2020. Malgré la crise sanitaire, écoutez-moi bien, malgré la crise sanitaire, l’entreprise a dégagé un bénéfice net de 950 millions d’euros (contre 1,3 milliards en 2019). 950 millions de bénéfices ! Cette délibération est quand même l’occasion de s’arrêter sur la spoliation légale que représente la privatisation des concessions d’autoroute depuis 2006. Il me semble que c’est bien l’UMP, la droite républicaine, qui était alors à la manœuvre. Il ne faut pas s’étonner ensuite que l’intérêt des territoires soit oublié, au profit d’un grand groupe privé. Et que les élus locaux de droite se retrouvent ensuite démunis pour défendre leur territoire me laisse narquois, car ceux-là même soutiennent libéralisation et privatisation au niveau national.

Nous considérons que les grandes infrastructures du pays sont des biens communs et n’auraient jamais dû être transférées en gestion à une entreprise privée à but lucratif. Le projet présenté par ASF est évalué à 250 000 000 € HT, soit 300 millions TTC en réalité. Et j’ai été assez choqué je dois dire lors du travail en commission par l’argument du député Thomas RUDIGOZ que le projet n’allait rien coûter à la collectivité et qu’il fallait s’en féliciter. Mais ce projet a déjà été financé 10 fois par les usagers des autoroutes qui enrichissent depuis 15 ans VINCI AUTOROUTE. Et l’opérateur privé voit son intérêt direct à augmenter le trafic sur le tronçon de l’A46 sud, car cela viendra augmenter à terme le trafic sur l’A43 et sur l’A7, sur les tronçons à péage. C’est là que nous voyons l’impasse d’avoir confié à une société privée la gestion d’une infrastructure au moment où nous devons réaliser une transition, une modification lourde de nos modes de déplacements. L’opérateur ne peut pas porter comme objectif la réduction du trafic, c’est contradictoire avec son objectif de rentabilité à court terme. C’est la raison pour laquelle nous sommes pour la renationalisation des grandes infrastructures routières sous contrôle citoyen.

Ainsi, chers collègues, ces grands travaux d’infrastructures proposés par l’État et ASF nous paraissent :

  • aller contre avec nos objectifs de lutte contre le dérèglement climatique d’une part,
  • favoriser une société privée ultra-rentable et spoliatrice des françaises et des français qui investit pour son intérêt propre de court-terme, d’autre part.

Je vous remercie.