Forum des indicateurs de la transition écologique à l’ENTPE
Une matinée à Vaulx-en-Velin
Vendredi 17 novembre 2023, nous étions invités pour une matinée avec les étudiants de l’ENTPE autour d’un temps de travail sur les indicateurs de la transition écologique. Les 200 étudiants d’une promotion ont travaillé en amont pour préparer cette journée et présenter à plusieurs collèges de professionnels leurs conclusions et permettre ainsi un débat. C’est grâce à la volonté des enseignants que l’école est ouverte sur l’extérieur et travaille dans l’interaction permanente entre le public et le privé pour l’aménagement durable du territoire.
La matinée a été construite en 2 temps, d’abord 5 forums étudiants correspondant aux activités professionnelles et associatives représentées ce jour-là :
- Collectivités locales et associations
- Aménageurs et investisseurs
- Aménageurs et industriels
- Promoteurs immobiliers
- Services de l’État et recherche
La deuxième partie de matinée a été consacrée à une séance plénière de bilan, avec la vocation forte de renforcer l’esprit critique des étudiants sur leur travail, mais aussi de sensibiliser les professionnels sur les enjeux respectifs de l’aménagement du territoire en lien avec leurs rôles respectifs.
Un débat entre étudiants maîtrisé sur le fond et sur la forme
Le collège des collectivités locales et des associations auquel nous avons participé s’est vu proposé un débat organisé par les étudiants eux-mêmes et entre eux sur les avantages et les défauts de 6 indicateurs de la transition écologique. Ces 6 indicateurs avaient été choisis par les enseignants pour les hétérogénéité et leur complémentarité. Chaque indicateur était défendu par un groupe de 6 à 7 étudiants qui avaient préalablement travaillé leur argumentaire pour “défendre” leur point de vue.
4 étudiants étaient au centre de la salle pour jouer le rôle d’animateur et ont posé 5 questions pour alimenter les échanges et faire préciser les positions des uns et des autres.
- Question n°1 : Comment l’indicateur utilise les données ?
- Question n°2 : A-t-on une dette vis-à-vis de la nature ou la nature est-elle au service de l’homme ?
- Question n°3 : En quoi les échelles sont importantes pour les indicateurs ?
- Question n°4 : Quelles est la cible des indicateurs, comment les institutionnaliser ?
- Question n°5 : Intérêt particulier des entreprises à choisir un indicateur ?
La qualité de la forme utilisée a permis un beau débat entre les différents groupes, même si l’on peut regretter que les étudiants se soient parfois pris au piège de défendre leurs indicateurs de mauvaise foi en étant jusqu’au-boutiste sur l’exercice. Mais cela n’a pas été systématiquement le cas, et les arguments échangés ont permis une évolution de la pensée collective et une meilleure compréhension globale transversale à tous les indicateurs. Bel exercice d’intelligence collective organisée !
Sur le fond des indicateurs, on peut noter que le modèle CARE le plus récent essaye de rompre avec le modèle des services écosystémiques qui donne une valeur économique à la nature : il le fait en évaluant le coût d’entretien des espaces naturels et de l’environnement pour les maintenir sans dégradations. C’est l’indicateur des 9 limites planétaires qui nous a paru le plus intéressant, et il est d’ailleurs utilisé dans l’élaboration actuelle du SCOT de la Métropole. L’indicateur IBEST utilisé par Grenoble était le seul proposant d’évaluer le bien-être des habitants et des usagers par des méthodes de recueil de données qualitatives. Beaucoup finalement ont critiqué l’hégémonie du bilan carbone sur les autres modèles.
Les remarques que nous avons faites aux étudiants concernent principalement l’absence de prise en compte de l’analyse du cycle de vie et de l’énergie primaire consacrée aux projets ou aux structures pour l’aide à la décision, mais ce sont finalement d’autres indicateurs qui ont leur biais comme les autres ! C’est le dernier indicateur EQIS sur les statistiques de décès en lien avec la pollution de l’air qui nous a aussi paru prometteur s’ils étaient déployés au même niveau d’ambition sur les accidents du travail, la mortalité des sans-abris, la mortalité infantile, etc… etc…
Une séance plénière de conclusion
C’est ensuite l’esprit déjà bien mobilisé que nous avons rejoint l’ensemble des groupes pour mettre en commun toutes les réflexions de la matinée. Un exercice de remue-méninges de presque 300 cerveaux dont on peut remercier la direction de l’ENTPE et l’équipe pédagogique.
Ce qui est ressorti de manière unanime est que TOUS les indicateurs, sans exception, avaient leur propre logique et que leur créateur avait nécessairement un intérêt qui pouvait aller contre l’intérêt général. D’où l’importance de multiplier les indicateurs et de croiser leurs résultats. Il a paru bien difficile de se projeter pour institutionnaliser une manière juste et équitable d’utiliser ses indicateurs et notamment que les agents économiques que sont les entreprises puissent s’en saisir sans aller à la simplification. La réussite du bilan carbone tient à la facilité d’obtenir un résultat qui devient une boussole unique pour les choix stratégiques des entreprises, alors que sa vision reste incomplète, notamment sur la préservation de la biodiversité, de l’eau, des sols….
La conclusion a été faite par la marraine de l’événement Florence JANY-CATRICE qui nous a bluffé dans sa capacité à mettre en perspective la bataille politique et idéologique qui se cache derrière ces indicateurs de la transition. Elle est professeure à l’Université de Lille, spécialiste des indicateurs alternatifs de richesse. Cela nous a aussi rassuré de voir que le terme d’effondrement était désormais dans un discours institutionnel nommé et étudié de manière méthodologique, et qu’il était sorti de son utilisation émotionnelle.
Son discours était revigorant !
Notre matinée s’est terminée par un retour à vélo en traversant le canal de Jonage avec la vue sur l’agglomération lyonnaise, un façon de prendre du recul au sens propre, comme au sens figuré !