Intervention Préalable
Publié par Laurent Legendre le
Souvenons-nous de la lutte contre la réforme des retraites
Il y a un an, le 31 janvier 2023, nous étions 45 000 à manifester à Lyon contre le projet de loi de la réforme des retraites, et cette journée historique voyait quasiment 3 millions de travailleurs dans les rues de France pour protester contre cette injustice de faire travailler jusqu’à 64 ans le peuple français. Loi injuste et injustifiée, elle commence à porter ses effets et toucher les plus précaires et les plus faibles : les femmes, d’abord les femmes, qui font l’objet de carrière fractionnée, de temps partiels subis et de moindres rémunérations que les hommes, et les ouvriers dont, l’espérance de vie en bonne santé est 6 années inférieures à celles des cadres.
Cette réforme qui a changé la nature de la relation au travail porte aussi ses effets sur les agents de la Métropole et nous suivons avec attention les conséquences sur la santé de nos agents entre 60 et 64 ans : d’ores et déjà, nous anticipons que les arrêts pour des raisons de santé devrait augmenter sur cette tranche d’âge, car nous avons l’intime conviction que la pénibilité physique et psychique au travail s’accroit avec l’âge. Le bilan pour la Sécurité Sociale pourrait donc bien être complètement l’inverse de l’effet recherché et accroître les dépenses de solidarité par des gens épuisés par leur vie professionnelle, n’allant pas au bout de leur carrière.
Paysans en lutte
Les manifestations d’hier ont laissé place cette année à un autre type de manifestation : le monde agricole est à l’os, il se réveille. Et il a l’air bien décidé de bloquer les lieux urbains de pouvoir que sont les grandes métropoles et Paris. Les blocages à Givors, à Limonest et à Vaulx-en-Velin la semaine dernière concernent directement notre assemblée. Rappelons qu’un tiers des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté et qu’il y a en moyenne deux suicides par jour dans cette profession en France. Nous reprenons ici les revendications de la Confédération Paysanne :
- Un revenu digne pour tous les paysans et paysannes
- Rompre avec le libre échange
Au-delà de la nécessaire augmentation des salaires de tous les travailleurs de ce pays, dont ceux du monde agricole, le deuxième point nous paraît particulièrement intéressant à analyser. Car les mêmes dans les territoires à droite et à l’extrême droite qui pousse les agriculteurs dans des formes de revendications qu’ils critiquaient l’année dernière de la part des Soulèvement de la Terre, ces élus-là, appartiennent et financent des partis politiques au niveau national et européen qui votent les accords de libre-échange et s’assoient ainsi sur le NON du référendum du 29 mai 2005, ce NON clair des françaises et des français au libéralisme inscrits au cœur des traités européens.
On peut saluer l’efficacité des blocages de la part des agriculteurs dans la lutte sociale, on peut d’ailleurs glisser ici qu’ils ont manqué à l’appel il y a un an quand les débats sur la loi des retraites avaient lieu et concernaient de manière universelle chaque française et chaque français dans son rapport au travail. Mais c’est bien à l’union des luttes sectorielles à laquelle nous travaillons pour unir le peuple dans une lutte plus globale : sortir du capitalisme financier qui s’est emparé de notre République, en appliquant le programme de l’Union Populaire : la révolution fiscale, la bifurcation écologique et la Constituante, plus que jamais d’actualité.
Poids et mesures
Le traitement médiatique et la réaction du gouvernement interroge néanmoins quand des préfectures sont littéralement attaqués, comme cette explosion à la Direction Régionale de l’Environnement à Carcassonne la semaine dernière revendiqué par le comité d’action viticole ! On a connu le Ministre de l’Intérieur prompt à plus de fermeté pour condamner les violences. Nous permettrons de saluer le récent texte de Frédéric Lordon sur son blog du Monde Diplomatique pour revenir sur l’expression « Deux poids, deux mesures » dont le système médiatique et le gouvernement sont les spécialistes.
Le « Deux poids, deux mesures », c’est ce qui arrive qui les dominants sont menacés dans leur rôle de dominants et la dérive extrême-droitière du gouvernement se comprend aussi comme exaspération générale de la domination quand elle vient à être attaquée. La radicalisation, proprement délirante, des poids et mesures est le symptôme de la domination mise en rage à sa déstabilisation, prête à toutes les brutalités sociales, physiques et symboliques pour se réaffirmer elle-même.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la domination est exaspérée de dominer. Et comme dirait l’autre, « Une situation prérévolutionnaire éclate lorsque ceux d’en haut ne peuvent plus et ceux d’en bas ne veulent plus ». Depuis 2016 avec Nuit Debout, puis les Gilets Jaunes et les mouvements sociaux depuis la crise du COVID nous font penser que nous sommes bien rentrés dans cette phase.
Bibliographie
L’appareil idéologique d’ensemble ne se connait plus qu’une tâche : dire la parfaite légitimité des dominants à dominer, l’entière illégitimité des dominés à ne plus vouloir l’être. Porteuse d’une tendance à l’auto-accroissement, le succès à dominer poussant à vouloir dominer davantage, la domination produit d’elle-même sa propre crise : comme on dit à la Bourse, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Vient fatalement un moment où, « en face », le consentement à la domination se disloque. Alors, les poids et mesures commencent à sérieusement diverger.
La dérive extrême-droitière [du gouvernement] se comprend aussi comme exaspération générale de la domination quand elle vient à être attaquée. La radicalisation, proprement délirante, des poids et mesures est le symptôme de la domination mise en rage à sa déstabilisation, prête à toutes les brutalités sociales, physiques et symboliques pour se réaffirmer elle-même.
Si la fascisation est le développement de la domination bourgeoise en temps de crise, alors destitution du capital et lutte contre la fascisation désignent une seule et même direction. La politique historique appartient à ceux qui sauront nous la faire prendre.