Commission Générale sur le Schéma de cohérence territoriale
INTRODUCTION
Cette actualisation du projet de territoire est bienvenue et nécessaire. De nombreux changements ont eu lieu de manière accélérée ces dernières années, légitimant la pertinence d’enclencher cette nouvelle démarche de stratégie territoriale. Nous sommes dans le monde d’après, et on ne peut pas garder les outils du monde d’avant pour continuer planifier l’organisation de la répartition de la population sur le territoire. Nous aborderons 4 points dans notre propos :
- L’importance de l’aspect matérialiste et concret du diagnostic : la préservation des ressources en eau, en énergie et en sol fertile ;
- La nécessité d’avoir des scénarios contrastés, notamment sur le développement démographique ;
- L’urgence de sortir de l’accumulation capitaliste qui dessine le territoire ;
- Des adaptations du mode de gouvernance.
L’EFFONDREMENT SOUS NOS YEUX
Le document pose les bases d’un diagnostic alarmant. Le vocabulaire choisi est lissé, mais en creux, la catastrophe est nommée car elle est là sous nos yeux :
- Effondrement de la biodiversité ;
- La capacité à régénérer nos ressources vitales, telles que l’eau
- Le désir de vivre ensemble et la cohésion sociale sont menacées à cf les milices d’extrême droite qui se multiplie sur le territoire depuis plusieurs mois
Nous vivons de toute façon en France des effondrements ponctuels, localisés ou généralisés, depuis quelques années, si l’on prend dans le désordre :
- Le confinement lié à la COVID-19
- Les feux géants de Gironde à l’été 2022
- Les émeutes urbaines de juillet 2023
- Les tempêtes récentes en Bretagne en Novembre 2023
Mettre la fertilité des sols au cœur du premier chapitre, voilà un point avec lequel nous sommes parfaitement alignés et de manière générale, le document retranscrit bien un triptyque concret et matériel à protéger : l’eau, l’énergie et les sols fertiles. Pour élargir cette vision, un travail sur les 9 limites planétaires pourrait aussi être réalisé, pour vérifier en quoi la contribution du territoire reste cohérente avec des objectifs au niveau planétaire.
UN SCOT AGILE, VRAIMENT ?
Le document parle d’un SCOT agile, et en soi déjà le mot ne nous convient pas, il est un mot valise du management utilisé en entreprise au même titre que le mot flexibilité. De plus, il n’est ni précisé la méthodologie, le contenu, ni les moyens. Nous sommes d’accord avec la nécessité de disposer d’une boîte à outils pour piloter les choix d’aménagement du territoire au fur et à mesure des nouveaux évènements qui mettront à l’épreuve le territoire dans les 20 prochaines années. Il faut muscler cette partie avec des scénarios contrastés qui n’apparaissent pas dans les documents à ce stade :
- Un scénario d’un déclin démographique comme a connu la Ville de Détroit, avec une population passant de 1,8 million d’habitants en 1950 à environ 700 000 en 2020. L’effondrement des recettes fiscales a entrainé une forte dégradation des infrastructures et des services publics, jusqu’à la faillite en 2013.
- Des scénarios de manque d’accès à l’eau potable et à l’énergie et les conséquences sur l’activité économique et les flux de population.
- Etc..
- Etc…
ROMPRE AVEC LE MODÈLE CAPITALISTE QUI FAÇONNE LE TERRITOIRE
C’est sur le chapitre B1 intitulé « Assurer la cohésion sociale et l’accès au logement pour toutes et tous » que nous souhaitons insister, car il nous paraît le plus déterminant et pourtant à ce stade le moins opérationnel. En effet, il est aveugle à la cause qui génère le non-accès à un logement digne d’une part grandissante de la population :
La métropolisation est la projection géographique du mode de production capitaliste.
Jean-Pierre GARNIER, sociologue urbaniste libertaire
La tension sur le logement actuellement en cours, jusqu’au prémisses d’une nouvelle crise immobilière, a une bien cause : c’est le fait d’avoir confié le logement au mode de production capitaliste. Nous l’avons dit depuis longtemps, le droit fondamental à se loger doit être au-dessus du droit à accumuler du capital de manière illimitée. L’alternative que nous proposons est simple, mais bousculera beaucoup d’intérêt privé, raison pour laquelle elle sera ignorée, moquée et jugée irréaliste : SORTIR LE LOGEMENT DU MARCHE. Pour cela, il faut d’abord donner une limite à l’accumulation patrimoniale, on peut renvoyer à l’étude de l’INSEE de fin 2022 : les ménages propriétaires de cinq logements ou plus possèdent 57 % des appartements en location dans Lyon. C’est bien de la propriété lucrative qu’il faut sortir : le logement ne devrait être réservé qu’à la propriété d’usage. Mais pour aller plus loin, il faudra construire les structures institutionnelles à la gouvernance incluant les élus, les travailleurs et les locataires. Cela passera par la socialisation du foncier, qui est le premier écueil aujourd’hui rencontré par le monde économique de la construction, bien avant les règles administratives et normatives ou les coûts de construction.
Nous ne connaissons pas mieux comme système qui permettrait une meilleure justice sociale d’accès au logement digne pour toute la population. Le système actuel prouve chaque jour au contraire qu’il échoue et que contribuer à sa pérennité devient une lourde responsabilité. Dans le document, on parle enfin de 6 700 logements durablement vacants mobilisables sur des besoins de court terme, mais sans pour autant se donner les outils financiers et de coercition pour parvenir à les mobiliser. On ne peut pas tout attendre de l’État sur ce sujet. Il faut s’appuyer sur les forces locales en jouant sur l’articulation fine qui existe entre logement et emploi pour permettre aux ménages d’avoir un logement stable pour se projeter dans une activité économique durable et sortir de la précarité.
LA GOUVERNANCE
Deux éléments sur la gouvernance peuvent être affinés pour la suite :
- Inclure les territoires extérieurs au périmètre du SEPAL dans les choix de développement du territoire, c’est le travail de l’INTER-SCOT bien sûr, mais la centralité de la Métropole oblige à trouver de nouvelles formes pour les processus de décision prise par la Métropole impactant au-delà de son territoire ;
- Susciter l’adhésion des habitants à ce sujet de planification par la mobilisation des corps intermédiaires, notamment les associations, les syndicats, les fédérations professionnelles, etc…
CONCLUSION
En synthèse, nous insistons sur le fait que l’élaboration de ce document sans modification du mode de production capitaliste présente le risque de n’influencer qu’à la marge l’organisation du territoire. Limiter l’accumulation du patrimoine d’une fraction de la population qui fait sécession est indispensable à la cohésion sociale. Nous avons besoin d’une révolution fiscale, qui s’attaque d’abord aux inégalités de patrimoine par une réforme de l’héritage, et c’est une clé de la réussite pour la transition écologique et une organisation du territoire plus harmonieuse, et en tout point plus désirable.