Évaluation des MNA : nous engageons notre responsabilité
Intervention sur l’Évaluation des MNA par Florestan Groult, élu du groupe « Métropole insoumise, résiliente et solidaire », lors du conseil de la métropole de Lyon des 15 et 16 mars 2021.
Délibération 2021-0496. Seul le prononcé fait foi.
Bonjour monsieur le Président, chers collègues, cette délibération concerne, madame Perrin-Gilbert vient de le dire, un sujet sur lequel notre majorité s’est déjà fortement engagée, celui des mineurs non accompagnés, ex-mineurs isolés étrangers. J’avais déjà eu l’occasion de le dire, sur ce sujet nous mettons en mouvement des situations figées par les Exécutifs précédents. Ce n’est jamais quelque chose de facile. Prendre le parti de faire évoluer la situation, c’est prendre le parti du courage politique, celui de ne pas dire mais de faire, celui du courage politique de se placer face à la critique absolument nécessaire et que j’encourage de l’ensemble des acteurs plutôt que de défausser notre responsabilité.
Prendre le parti de faire évoluer la situation donc, c’est de se placer dans un “on aurait pu faire mieux” et nous pouvons encore faire mieux c’est sûr. Nous sommes déjà fiers d’être arrivés sur certaines pièces de ce puzzle complexe à mettre en place des dispositifs inédits sur le territoire national tels que la mise à l’abri de jeunes majeurs. Précisément, nous continuons d’explorer, nous recherchons et nous comptons poursuivre cette action au sein de la majorité.
Alors la pièce de ce puzzle complexe, qui fait l’objet de la délibération d’aujourd’hui, est dessinée par ce que ces jeunes femmes et ces jeunes hommes relèvent juridiquement de la protection de l’enfance et donc directement de la compétence de notre collectivité. La question de leur accompagnement est donc essentielle, tant pour s’assurer de leur mise à l’abri, que leurs droits soient respectés, que pour les aider à s’intégrer dans une société pas toujours des plus accueillantes.
L’évaluation, madame la Vice-Présidente l’a dit, est une pierre angulaire de cette approche. L’accompagnement à cette évaluation, et à ce moment précis qui peut littéralement faire basculer le destin de ces jeunes, demande des moyens et ceux-ci ne sont pas toujours à la hauteur des besoins. Ils se sont même dégradés sous le précédent Exécutif lorsque l’accompagnement et l’évaluation ont été délégués de la MEOMIE vers l’association Forum réfugiés. Une DSP (délégation de service public), rappelons-le, opérée après la grève des agents métropolitains, toujours attachés à pouvoir exercer leur mission de service public dans de bonnes conditions.
Cette DSP a-t-elle permis d’améliorer cette évaluation ? Nous ne le pensons pas. L’opérateur actuel Forum réfugiés agit dans un espace de contraintes de plus en plus serré et de plus en plus resserré, ayant même dû faire recours à des contractuels qui n’ont pas forcément tout l’outillage et l’exercice des compétences nécessaires pour effectuer cette évaluation dans toute sa complexité.
N’oublions jamais, mes chers collègues, que nos modes de développement se sont construits sur une exploitation et une oblitération des modes de développement des populations qui viennent jusqu’à nous aujourd’hui. Vous le savez, je viens de la solidarité internationale et il nous faut donc agir sur deux justices sociales, celle de changer nos modes de développement, nos modes de faire société, j’avais l’habitude de dire “la solidarité internationale commence par avoir un mode de développement qui ne concerne pas trois planètes mais une planète” et nous avons, si j’ose dire, une responsabilité, ne serait-ce que même un minimum de pudeur, une impression de dignité de nos sociétés d’accueillir dans les meilleures conditions toutes ces personnes qui se présentent à nous compte tenu de l’exploitation de l’oblitération des modes de développement des populations sur lesquels repose notre société pour notre mode de développement ici.
Alors, une partie des moyens pour pouvoir exercer cette mission d’évaluation est garantie par l’État. Plus exactement, l’État subventionne le parcours d’évaluation de chaque mineur non accompagné à hauteur de 500 €. Cela ne suffit pas bien souvent à couvrir les frais engagés pour l’accompagnement et l’hébergement de ces jeunes durant cette évaluation de la minorité, pas de mise à disposition de personnel spécialisé non contractuel en nombre suffisant, pas d’augmentation du nombre de permanences qui éviteraient l’allongement des délais d’attente, pas de procédure physique et humaine pour remplacer la froideur des procédures internet.
Comment alors percevoir ce que nous nommons sans crainte “un chantage aux subventions” effectué par l’État dans cette convention ? Obéissez ou subissez en somme ! Et les collectifs de défense des droits de l’enfance et des migrants de nous prévenir. Cette convention annonce un énième fichage généralisé. Qui peut alors aujourd’hui nous garantir que l’État n’utilisera pas ces outils, que cette convention et que la loi de monsieur Collomb pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif mettent à sa portée ? Comment avoir confiance alors que, nous l’avons souvent dit, les idées d’extrême Droite, que nous avons longuement évoquées devant cette assemblée en décembre dernier, continuent de progresser dans toutes les sphères de la société ? Et surtout, qui va devoir supporter ces risques ?
Nous devons donc choisir entre le risque couru par la Métropole de perdre des moyens d’action importants et le risque couru par ces jeunes femmes et hommes de tout perdre. Existe-t-il un bon choix ?
Face à cette délibération de chantage de la part de l’État, nous entendons les alertes, nous les relayons ici publiquement pour marquer et faire état de l’extrême vigilance qui sera la nôtre. Elle est partagée par notre majorité et madame la Vice-Présidente nous a assurés que nous serions particulièrement vigilants sur les modalités d’exercice de cette convention.
Nous voterons donc pour cette délibération ou nous nous abstiendrons, selon chacune de nos sensibilités mais je vous le dis chers collègues, nous ne sommes pas dans un film de Sergio Leone où certains ont le pistolet et d’autres creusent. Je vous le dit calmement et solennellement, n’en déplaise à l’État qui se défausse sur les collectivités, tout en les asphyxiant de moyens. Nous serons les gardiens de cette souveraineté, de cette souveraineté de notre collectivité, alertes, prudents et vigilants et ce que cette assemblée fait, elle peut le défaire. Comptez sur nous pour l’alerter dès les premières dérives et pour exiger la suspension de cette convention le cas échéant. Nous y engageons notre responsabilité. Je vous remercie.