Tarification, Gratuité, Universalité : Discours sur l’Eau !
C’est historique. C’est une révolution. Sens, équilibre, cohérence. Universalité, solidarité, sobriété. Voilà la puissance de notre nouvelle structure tarifaire : refaire société autour de l’eau. Retrouvez ici le discours de Florestan, Vice-Président de la Régie Publique de l’Eau.
Nous le savons tous ici, l’eau c’est la vie. Laissez-moi néanmoins un bref moment pour vous rappeler pourquoi nous répétons inlassablement cette formule, vous en rappeler les enjeux. D’abord cette réalité crue : 3 jours sans eau et nous sommes morts. Une eau contaminée, polluée, et les pires souffrances nous sont promises.
Dans la métropole de Lyon, c’est plus de 120 000 foyers pour qui l’accès à l’eau potable représente une détresse par, un effort de plus de 3% de leurs ressources. Seuil au-delà duquel, l’OCDE l’a démontré, les familles sont mises en détresse/vulnérabilités, asséchées et doivent se restreindre sur leurs besoins essentiels. Inacceptable.
Il n’y a pas de plus grande violence que l’eau nécessaire aux besoins humains essentiels puisse être une source de privation.
En face de ça, l’agence de l’eau nous prévient : d’ici 30 ans le débit du Rhône, duquel dépend 90 % de l’alimentation en eau potable de notre Métropole diminuera de 30 %, les sécheresses que nous avons vécu ces dernières années seront la norme, et Lyon aura le climat actuel de Madrid. Ce désormais inévitable, pose alors une équation cruciale à résoudre : comment garantiront nous demain à chacune et chacun ce droit humain fondamental à l’eau potable ?
Nous ne vous referons pas l’outrecuidance du verre d’eau. Il ne s’agit pas de croire qu’elle n’est pas précieuse pour vous et ce n’est pas mon dessein de polémiquer là dessus. A qui viendrait l’idée de priver d’eau un être humain, de la maintenir fermée dans un squatt, de condamner des fontaines publiques pour faire fuir les indésirables, ou de percer les réservoirs humanitaires à Calais….
Mon propos se dégage donc de vous convaincre de cette éthique que nous partageons déjà toutes et tous. Il sera plutôt de montrer à quel point, lorsque nous déployons cette éthique, lorsque nous la traduisons au réel pour la faire advenir, nous ne devons jamais verser dans la facilité, d’en toute chose garder la question du sens un exercice des plus rigoureux d’aller à la racine des mécanismes qui sous tendent nos sociétés, et faire preuve de courage politique.
Et c’est bien ici, dans ce lieu d’exigence, que se situe la structure tarifaire du service public de l’eau potable. Reposant sur un exercice de démocratie inédit, co-construite avec une implication directe des usagers, se fondant sur des scènes hybrides citoyens-services-élus. Nous en avons fait l’instrument d’action collective qui doit traduire au réel cette éthique commune avec du sens et du courage.
Car, cher collègue nous disons et parlerons ici couramment de tarification, mais c’est bien sur la structure tarifaire que nous délibérons aujourd’hui, c’est-à-dire dans le cadre actuel de l’eau paye l’eau, de la répartition des poids des contributions de chacune et chacun des usagers. Quoi de plus politique que l’exercice de concevoir une tarification ? C’est un exercice de justice sociale.
Aujourd’hui elle est d’une conception uniforme, vide ou presque, de ce sens, rendez-vous compte ! On paye la même chose pour remplir sa piscine que pour boire et se laver. Ca, ce n’est pas de la justice sociale, ce n’est pas la manière de faire société. Notre tarification, c’est un moyen bien sûr, celui du financement, auquel nous donnons un sens et une fin celui du droit fondamentale à l’eau potable et celui de garantir le droit humain à l’eau potable, d’introduire des principes de justices sociales, d’embarquer des effets d’incitation pour préserver sa ressource. Le sens et la force de la structure tarifaire que nous vous proposons, témoignent profondément de la société que nous défendons. Universalité, solidarité, sobriété pour harmonie des êtres humains avec la nature.
Les dispositions, vous les connaissez. J’insiste sur le fait que chacune d’entre elles se complètent, s’équilibrent, pour faire sens et tenir dans un tout cohérent. Un maintien à l’identique de la part fixe, une progressivité de la part variable différenciée selon les usagers domestiques et non domestiques. Des tranches qualifiées selon les usages, pour introduire de la justice sociale dans la répartition des contributions à l’économie du service, qui protège et sanctuarise l’accès aux besoins vitaux et essentiels des familles tout en produisant les effets d’incitation à un usage économe raisonné de la ressource, qui restaure une solidarité non discriminante en plafonnant la contribution des plus fragiles à leur moyens et en garantissant l’effectivité du droit à l’eau. Qui demain, sort de la privation sur ce besoins humain fondamentale.
L’eau ne sera plus source de détresse, voilà concrètement ce qu’est ici le résultat de la traduction de notre éthique commune : l’eau c’est la vie. Et cher collègues, cela parait trop important pour s’aventurer sur un vote contre et même une abstention !
A ce stade mes chers collègues, vous introduirez sans doute un débat technique légitime ou pour esquiver ou pas ce débat politique. Néanmoins permettez moi d’évacuer rapidement certaines facilités, mirages séduisants, et faux semblants sur lequel nous pourrons revenir si vous le souhaitez. Et nous aurons plaisir à vous répondre plus en détail.
> Oui il aurait été injuste de supprimer la part fixe,
La tarification repose déjà à 70 % au moins sur la part variable, l’usager économe sera bien assez largement récompensé. Mais sans pouvoir être au fait de la composition du foyer derrière un compteur, ramener tout le poids de la contribution à la seule part variable, on le voit facilement, pénaliserait pour une même consommation, l’individu vivant dans la famille nombreuse économe au profit de l’individu seul.
> Non, ces familles nombreuses ne sont pas impactées pour leur eau domestique. Notre tarification a été construite pour ça,
Protéger les familles est un des préceptes d’entrée avec laquelle nous avons pensé cette tarification. Sur 1,4 million d’habitant.e.s, seules 800 familles pourraient être concernés par la dernière tranche doublée. Vous ne vous cacherez pas derrière un seul cas particulier que vous auriez trouvé. Chaque famille dans cette situation sera accompagnée en plus d’être potentiellement éligible au versement solidaire.
> Non ce ne sont pas les professionnels qui payent,
70 % d’entre eux ne seront concernés que par la première tranche, au tarif standard identique à celle des besoins essentiels domestiques. Les petits commerçants et artisans sont protégés, tandis que seuls 5 % des plus gros sont incités à des économies par une dernière tranche contenue à une augmentation d’au maximum 15 % de la première.
> Pour les immeubles collectifs, un foyer dispendieux pénaliserait les autres ?
C’est faux, les seuils sont mutualisés, libre aux bailleurs de facilement introduire notre logique dans leur logiciel de gestion largement équipés pour. C’est aussi de toute façon déjà le cas. Réponse RBL et là encore si ce n’est pas parfait devons nous pour autant renoncer à tous les progrès sociaux qu’elle introduit, et reste figé dans l’état actuel encore plus injuste des choses. Ce n’est pas notre avis.
Synthèse : Si elle n’est pas parfaite, et beaucoup c’est de toute façon déjà le cas dans un cadre réglementaire où l’eau paye l’eau, dont nous devrons bien nous affranchir un jour. Et sans pouvoir être au fait de la composition du foyer derrière un compteur, ce qui est déjà le cas. Devons nous pour autant renoncer au progrès social que nous proposons, à un plus juste équilibre du poids des contributions de chacun ?
Pour conclure, nos débats en commission ont fait apparaître une divergence centrale qui mérite de s’y attarder. Car elle est au cœur de ce que j’ai pu dire sur l’importance de l’exigence d’un retour aux sources des mécanismes qui fondent nos sociétés. Sur ce sujet, je ne pourrais pas vous répondre tout à l’heure alors permettez moi de le faire dès maintenant. Pour que l’écho de ces paroles résonne au moment des vôtres. Tout tient dans cette phrase “Plutôt que 12m3 gratuit, moi qui suis assez riches, je n’en ai pas besoin, nous pourrions l’utiliser pour la donner aux pauvres…” ou quelque chose comme ça. Alors d’abord, j’ai bien cru m’étrangler… Vous qui hurlez à la première hausse d’impôts, supprimez la CMU, réduisez les allocations chômage, conditionnez le RSA à des heures d’activités obligatoires, réduisez les APL, coupez bientôt une partie des aides aux ALD, vous voudriez introduire une nouvelle aide. Bon certes. Et puis j’ai voulu comprendre. Laissez-moi essayer de comprendre avec vous en quoi derrière sa prétendue mansuétude, cette phrase cache l’idée d’entretenir une position sociale plutôt que de penser la société de l’égalité, la promesse de notre république.
Et j’espère me frayer un chemin jusqu’à vous pour vous en convaincre. Sans jugement, je fais partie de ceux qui ont pu le penser, comme un parmi cette assemblée de 150 qui avons l’exercice en commun de cette responsabilité, et j’ai évolué. Car comment vous déterminerez ceux qui en ont le droit des autres : en distinguant, en se distinguant, en introduisant une discrimination, des justifications. Pourquoi cela ne vous gêne pas pour l’école publique et la sécurité sociale, mais que cela vous gêne sur l’eau. Alors même que vous avez ce principe d’universalité dans la feuille de route, nous avons été d’accord pour le voter à l’unanimité. Parce qu’est ce que cela implique réellement ? Derrière le “12 m3 gratuit moi j’en ai pas besoin, faisons des tarifs sociaux”, de quoi est ce que vous priver les pauvres ? Vous leur ôter de pouvoir en profiter, sans devoir se justifier, se déclarer, sans procédure qui échoue avant même d’avoir commencé la plupart du temps. Vous leur ôter le droit de jouir d’un besoin essentiel de manière inconditionnelle, vous les ramener à leur solvabilité plutôt que leur condition d’être humain titulaire d’un droit comme le dit mon ami Perdo Araujo, rapporteur spécial aux nations unis que nous aurons bientôt le plaisir d’accueillir ici. En sommes, vous leur enlever la dignité (en prétendant leur apporter).
C’est le mécanisme libéral insidieux : vous renoncez à vous attaquer à la pauvreté pour maintenir les plus précaires sous la dépendance d’aide pour laquelle ils doivent justifier leurs comportements, leur précarité, vous introduisez des seuils, de ceux à qui ont le droit et les autres…
Pendant que vous, nous, moi, nous somme libre de tout ça, pendant que nous qui avons les moyens sommes épargnés, exempt de ces obligations. Et facile est alors de célébrer notre charité en dominant économique qui ont conservé bien au chaud leur positions.
Voilà ! Voilà pourquoi l’universalité de ces 12 m3 est une affirmation fondamentale, voilà pourquoi il forme un tout avec le plafonnement de la contribution des plus précaires sous forme d’un versement sans recours. Parce que cette affirmation, c’est celle d’une société plus juste, cette affirmation c’est un coup de rame pour éradiquer la pauvreté par la démocratie et l’universalité.
Cette affirmation, elle est l’héritière directe des premiers principes de directement issus des jours heureux du Conseil National de la Résistance, celui là même qui vise à bâtir une société protégé des inégalités, remparts au fascisme dont à si bien parlé mon collègue Pierre-Alain Millet.
Vous vous pâmé de la montée de l’extrême droite, largement sincèrement, mais, mes chers collègues c’est dans ces choix, même si ils peuvent paraître éloignés, oui c’est dans ces petits choix, coup de rame après coup de rame, que nous nous éloignons de ce courant qui nous emmènent vers les nuits noirs.
Conclusion
Choisissez la raison ! Votez pour cette tarification mettez vous en cohérence avec vos paroles, vos idéaux, ceux de la république ! Traduisons les aux réels ! Comment voulons nous fonctionner dans la cité avec quel mécanisme ? Ceux qui maintiennent des dominants et des dominés, des riches et des pauvres ou ceux qui tentent de défaire réellement ces inégalités et de refaire société avec l’eau ? Nous ne résoudrons pas tout avec l’eau certes, mais nous devons commencer par là. Nous le devons parce que l’eau n’a qu’une finalité. La vie.